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Cap 2022 : Retour vers le futur

par GS 15 Novembre 2018, 18:39 Opinion PS Presse Société Social Emmanuel Macron LREM Gouvernement

 

L'auteur ou les auteurs du présent article ne partagent pas forcément les idées du BYR, ils sont publiés sur ce blogue à titre d'information.

 

Soverain

Par Sébastien Rihani le 15/11/2018

Parce qu’un peu de prospectivisme n’a jamais fait de mal à personne.

De la même manière qu’il existe en économie des cycles de Kondratiev voyant se succéder dans le temps des périodes de prospérité économique et des périodes antagonistes de dépression économique, l’histoire nous a souvent prouvé que les cycles politiques se succédant dans le temps peuvent être tout à fait antagonistes. En porte témoignage toute l’histoire politique française depuis l’absolutisme du Roi Soleil et de son successeur Louis XV : après une période d’affirmation du pouvoir royal, d’extension et d’expansion d’un Etat toujours plus étouffant a suivi le règne de Louis XVI, marqué par la mollesse d’un roi qui a fait reculer l’Etat, le pouvoir politique et l’affirmation de l’absolutisme monarchique. Encore un exemple : après cette période de monarchie molle vint une période de Révolution ferme, au sein de laquelle des contraires se sont succédés pour finalement aboutir à l’Empire, puis au régime de Restauration de la monarchie. Tout le XIXe siècle est aussi marqué par ces aller-retours antagonistes et sinusoïdaux entre régimes de liberté et régimes d’ordre, entre protestation sociale, populaire et affirmation d’une élite capitaliste. Le XXe siècle aussi peut porter témoignage de cette lecture de l’histoire : après un demi siècle de tension politique, géopolitique et sociétale extrême a succédé une période (Les Trente Glorieuses) de relaxation et de dynamisme positif, doublé d’un pacifisme tout à fait antagoniste de l’état d’esprit régnant au début du siècle.

Nous sommes au XXIe siècle, et ces antagonismes successifs s’observent encore : l’hyperpuissance américaine portée par Bush II a vu émerger quelques années après le tenant de l’isolationnisme américain : Donald Trump. Après l’expansion galopante de l’Union européenne et son inénarrable approfondissement est intervenu un blocage institutionnel absolu ne se soldant pour l’instant que par le Brexit, mais dans les faits par la fin de l’Union européenne telle qu’elle est. Au Royaume-Uni, une politique ultra-libérale insufflée par l’ineffable Margaret Thatcher a précédé le retour à un libéralisme plus modéré, avec la planification d’une politique industrielle post-Brexit, politique industrielle disparue depuis 1979. Cette schématisation sinusoïdale de l’histoire semble donc toujours avoir sa place, et n’est pas valable que pour le XVIIIe ou le XIXe siècle. Cet écoulement du temps qui voit se succéder des contraires antagonistes peut-être qualifié et vulgarisé par l’appellation de « yo-yo historique ». Yo-yo car on oscille rapidement entre deux positions contraires : le haut et le bas.

Il est évident que pour amorcer une lecture scientifique de l’avenir (et pas seulement une lecture mystique, incantatoire et folklorique) il faut tenir compte du mouvement de l’histoire. Certains amateurs parleraient du « cours de l’histoire », mais cette formule supposerait que l’histoire aille naturellement dans un sens précis, dans une direction précise, alors que l’histoire n’est faite que de possibilités et non pas d’une suite logique d’événements. Il faut tenir compte d’un mouvement de l’histoire et repérer des schémas qui puissent être appliqués et reportés à notre époque. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que l’émergence d’un fait en histoire politique induit presque toujours l’affirmation immédiate et radicale de son exact contraire. C’est notre fameux « yo-yo historique ». Cela revient à dire qu’à une période dite A+ succédera une période dite A-. Une période de violence sociale et de tension sera toujours suivie d’une période d’accalmie. Ainsi, puisque le début des années 2000 étaient à l’ultralibéralisme le plus débridé à l’échelle internationale, un prospectiviste aurait pu prévoir la crise de 2007, et le recul du capitalisme mondialisé. Aujourd’hui, il est banal de dire que le capitalisme mondialisé touche à sa fin, et ce depuis 2007, et depuis 2016 à plus forte raison, notamment du fait du Brexit et de l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche. A l’heure du capitalisme mondialisé, le yo-yo était en haut; et l’année 2016 marqua le moment où le yo-yo se dirigea en bas : c’est le yo-yo historique. De fait, sur le plan international et économique, il est inintéressant d’appliquer notre schéma, puisqu’il est en train de se manifester sous nos yeux : nous sommes dans un mouvement de démondialisation ou de décapitalisation du mondialisme. Ce n’est pas de la prospective que de le dire, c’est de la description.

Alors appliquons notre schéma à la politique française. A l’heure actuelle, l’avenir politique de la France est incertain. Emmanuel Macron est installé à l’Elysée, et l’opposition est atomisée entre plusieurs partis sans qu’aucun d’eux ne tire son épingle du jeu. Voilà en une phrase une vague peinture du « Nouveau monde » apparu en 2017. Depuis 2002, les chefs d’Etat se succèdent en France dans le cadre du quinquennat, qui fit correspondre le temps de l’élection présidentielle et celui de l’élection législative. De cette sorte, le jeu des partis politique est renforcé, puisqu’un parti gagnant l’élection présidentielle est quasiment sûr de remporter la majorité de l’Assemblée nationale aux législatives qui suivent. Cela a donné lieu à un jeu de tic-tac (ou de yo-yo) agaçant entre la droite et la gauche, puisque l’émergence d’un fait politique induit presque toujours l’affirmation immédiate de son contraire l’instant d’après. Le yo-yo est en haut : La droite prend le pouvoir avec Nicolas Sarkozy en 2007, qui fait une campagne très à droite, et une présidence très au centre. Le yo-yo est en bas : S’en suit la conquête de François Hollande, qui fait une campagne très à gauche et une politique très au centre. La déception qu’il suscite est alors si immense qu’on ne sait pas si le tic-tac va pouvoir s’éterniser, et si le yo-yo actuel entre la droite et la gauche allait pouvoir se répéter. Dans un temps de désespoir aussi accru, la moindre issue pour sortir du tic-tac était la bienvenue. Il est un homme qui a su tirer parti de cet accablement politique généralisé : Emmanuel Macron, qui a fait de la fin du tic-tac le cœur nucléaire de sa campagne électorale. Il a opposé un tic-tac vieux, rouillé et ancien, à la nouveauté, au dynamisme et au renouveau. L’aubaine était trop belle de se débarrasser du tic-tac fatiguant : les français l’ont élu, bien que par défaut. Emmanuel Macron était en cela le négatif du système politique en vigueur. Il a su incarner l’affirmation immédiate et radicale du contraire de ce système politique à bout de souffle : le yo-yo a basculé du tic-tac entre la droite et la gauche à une nouvelle opposition entre « Ancien monde » (droite-gauche) et « Nouveau monde » (Macron). C’est le Nouveau monde : La République En Marche toute puissante, et l’opposition de l’Ancien monde méchamment balayée et punie pour les méfaits accomplis dans le passé. Le yo-yo en position haute : le Nouveau monde prend le pouvoir. Le yo-yo en position basse : indéterminé.

L’émergence même de ce Nouveau monde n’est en outre que la manifestation concrète de ce que nous avons décrit plus haut :l’affirmation d’une chose qui constitue le rejet violent de ce qui la précède. Mais, dans cette perspective, qu’est-ce qui peut succéder au Nouveau monde si ce n’est l’Ancien monde ? L’Ancien monde n’est-il pas le négatif exact du rejet incarné par l’élection d’Emmanuel Macron ? Le système politique actuel ne peut pas reposer sur un tic-tac, il n’y a pas d’alternative à la Macronie. Puisque ne pouvant se reposer sur un négatif déjà présent dans le système qu’il a établi, Emmanuel Macron n’est-il pas condamné à voir un retour en force tout puissant de l’Ancien monde en guise d’opposition ? Si on reprend l’image de notre yo-yo historique, La République En Marche aurait dû trouver une opposition forte pour établir un nouveau tic-tac entre Macronisme (position haute du yo-yo) et opposition (position basse du yoyo), de sorte à ce que le tic-tac pérennise le système installé par Emmanuel Macron. De plus, lorsqu’on constate la déception qui pèse sur le pouvoir actuel, on ne peut que penser la violence avec laquelle il se fera assurément rejeter. Son système ne prévoit aucune alternative crédible, le Nouveau monde ne s’est posé dans le paysage politique que comme étant en lui-même l’alternative de l’Ancien monde. Ce qui implique naturellement que l’Ancien monde est l’alternative du Nouveau monde, l’Ancien monde est la position haute et le Nouveau monde la position basse de notre yo-yo historique. L’émergence d’un fait en politique induit souvent l’affirmation de son exact contraire : notre règle doit s’appliquer. Manu sera-t-il en 2022 écrasé par le mouvement de l’histoire ?

Sa présidence apparaissant comme encore plus indigne et exécrable que celle de son prédecesseur (son père politique se voulant aujourd’hui être un opposant, on retrouve ici une forme de yo-yo historique), il ne fait pas de doute que beaucoup de français regrettent l’Ancien monde, et que beaucoup veulent rendre à la nouveauté la monnaie de sa pièce. On sait par ailleurs la forte propension des français à aimer les retours en arrière, faisant du paysage politique français un éternel music-hall de gens qui disparaissent et reviennent sans arrêt (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Arnaud Montebourg, Michel Rocard…). Et si le music-hall faisait revenir à l’Elysée quelqu’un qui avait disparu pour revenir ? Qui mieux que François Hollande pourrait être le négatif du Président de la République en exercice ? Il est son père politique, trahi,  il se veut aujourd’hui être son opposant, tenant d’une présidence molle et normale face à un actuel présidentialisme insupportable (encore un yo-yo historique)… Cette idée chemine tellement bien que l’actualité politique tend à indiquer un retour de François Hollande.

Mais peut-être que le tour de music-hall sera encore plus surprenant et que la résurrection politique de Ségolène Royal, la regrettée perdante de l’élection présidentielle de 2007, se fera dans la mort politique d’Emmanuel Macron. Elle est la candidate que les français ont regrettée le plus après qu’elle se soit effacée du paysage politique. Et si l’histoire lui rendait justice à cette occasion ? Elle n’exclut pas reprendre le chemin d’une carrière politique, le scénario n’est donc pas si tiré par les cheveux qu’au premier regard. Par ailleurs, elle était la première à parler de démocratie participative (=société civile) 10 ans avant le candidat Macron, et la première à organiser un sommet planétaire en France sur le thème du climat, avant le One Planet Summit de l’actuel Président de la République. De ce fait, n’est-elle pas non plus un négatif à Emmanuel Macron ? N’est-elle pas susceptible de porter une contestation du Nouveau monde ? 

La troisième option que l’on peut envisager, c’est qu’Emmanuel Macron soit à terme perçu par les français comme le dernier sursaut post-mortem de l’Ancien monde aujourd’hui à l’agonie. C’est une possibilité. Dans cette perspective, le Nouveau monde serait encore à construire, et l’Ancien monde à achever par l’affirmation de son contraire. Mais dans le paysage politique actuel, fragmenté et disloqué, les tenants d’un Nouveau monde sont difficiles à apercevoir. Sur ce champ de ruine qu’est la politique française, on peut néanmoins raisonnablement penser que ce ne sont pas les partis qui porteront le dernier coup à l’Ancien monde (à considérer que la Macronie soit la phase terminale de l’Ancien monde), mais une personne qui créera un lien simple et sans médiation avec les français. Le plus effrayant serait que cette personne soit Marion Maréchal. Si le recul politique analyse la présidence Macron comme la phase terminale de l’Ancien monde, alors le séisme politique de 2017 ne sera rien à côté de la fin du Macronisme (et donc de l’Ancien monde), qu’elle intervienne en 2022 ou en 2027.

Toutes choses égales par ailleurs, il semble qu’Emmanuel Macron ne succédera peut-être pas à Emmanuel Macron. L’hyperprésident est fragilisé par les secousses d’une opposition éparse mais unie dans la critique, et par les revenants politiques, qui ne sont pas mort, au contraire. Ce mouvement sinusoïdal de l’histoire politique française nous indique à tout le moins que la prochaine présidence devait être moins présidentialiste et moins absolutiste, assurément moins libérale et capitaliste, puisque de toute façon le mouvement venu d’outre atlantique est à la contestation du néolibéralisme (rappelons que les orientations politico-économiques du monde viennent des Etats-Unis, et se manifestent avec du retard sur le vieux continent). François Hollande et Ségolène Royal sont tous les deux ce qui incarne le mieux l’Ancien monde, ce qui pourrait le mieux incarner le négatif personnel du Président Macron, et ce qui parait le plus s’imposer comme un (ou une) adversaire viable. Mais puisque l’époque dans laquelle nous vivons est marquée par les effets de surprise, il se pourrait que le renversement soit d’une toute autre provenance, et que nous n’en ayons pas encore idée à l’heure actuelle. Il ne s’agit pas ici d’apporter des réponses claires, ni de prendre parti pour ou contre aucune des trois options envisagées, mais d’essayer de comprendre empiriquement à partir des observations du jour vers quoi tend l’avenir, qui dans la Ve République n’a jamais été aussi illisible. Pour autant, on comprend ici que la présidence Macron se clôturera très probablement par un retour de l’Ancien monde porté par un politique-zombie venu d’outre tombe (l’Ancien monde), et moins probablement par la vraie affirmation du Nouveau monde, porté par une personne réellement nouvelle. Les paris sont ouverts.

 

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